lundi 6 octobre 2008

Les premières horloges stellaires 3


Quelques villes "stratégiques"


Ces diagrammes stellaires datent, nous l'avons vu, de la fin de la Première Période Intermédiaire et du Moyen Empire. La Première Période Intermédiaire (vers 2200 - 2050 avant notre ère) constitue une période de transition entre l'Ancien et le Moyen Empires, entre la fin de la VIème dynastie et la réunification du pays par Montouhotep II, pharaon de la XIème dynastie. Elle fut une période de troubles internes vraisemblablement générés par la volonté de quelques dynastes locaux de renforcer leur propre pouvoir, après qu'il ait progressivement échappé des mains des souverains memphites. Sans doute l'aridité du climat sahélien qui sévissait en cette fin de troisième millénaire, la poussée démographique du désert vers la vallée qui s'ensuivit et la famine qui en résulta, ne furent-elles pas non plus étrangères à ces secousses internes au Pays des Deux Terres. Sans doute les amplifièrent-elles, à moins que cette période de disette ne résultât plutôt de l'inorganisation de l'administration centrale - une inorganisation telle que tout échange commercial avec les contrées de la Méditerranée et toute expédition militaire en direction des pays de l'Afrique orientale avaient alors cessé.
La fragilité interne du pays se traduisit par la succession, en un siècle et demi, de quatre dynasties à la tête de Kemet (, Kmt), numérotées VII, VIII, IX et X. De la VIIème dynastie ne nous sont parvenues que très peu d'informations, à l'exception peut-être de ce témoignage de violences et d'exactions rapporté par le sage Ipouer dans ses "Lamentations". En voici quelques extraits - Ipouer s'adresse ici au Pharaon en personne : "(...) Vraiment le mal est partout, vraiment le pillage est général et le serviteur vole ce qu'il trouve. Vraiment la crue vient à temps mais personne ne cultive, chacun dit : " Qu'arrivera-t-il demain ? " Vraiment les pauvres sont devenus riches : celui qui ne pouvait même pas se faire une paire de sandales possède maintenant des trésors. Vraiment, les nobles sont dans la détresse alors que les misérables sont dans la joie. Chaque cité décide : " Supprimons les puissants (...) ". (...) Vraiment, le rire a cessé, on n'entend plus que grognements et plaintes dans tous le pays (...) Vraiment, les routes ne sont pas sûres : des hommes se cachent dans les buissons, attendant le passage d'un voyageur ; ils pillent ses bagages, le rouent de coup et le tuent. (...) Vraiment, les Services sont dévalisés, leurs inventaires supprimés et le serviteur dispose de domestiques. Vraiment, les scribes sont massacrés et leurs archives emportées. Vraiment, les livres du cadastre sont détruits, et le grain de l'Egypte devient propriété commune. Vraiment, les rouleaux des lois de la Salle du Conseil sont jetés au-dehors. Vraiment, on les piétine et les misérables les brisent dans les rues. Vois : le roi a été renversé par la populace. Vois : celui qui était enterré comme Faucon (divin), n'a plus de sarcophage. Ce que cachait la pyramide est maintenant vide. Vois, la pays a été dépouillé de sa monarchie par une poignée de sans lois. Vois : les hommes se sont révoltés contre l'Uraeus (...). Vois, le Serpent (= Pharaon) a été tiré de son trou ; les secrets des rois de Haute et de Basse Egypte ont été divulgués. Vois, celui qui ne pouvait se faire un cercueil possède une tombe (...). Vois, les magistrats du pays sont chassés. Vois, les nobles dames sont maintenant en haillons et les magnats en camps de travail (...). Vois, celui qui n'avait même pas une barque dispose maintenant de toute une flotte.(...) Détruis, détruis les ennemis de la Résidence (royale).".



Avec la disparition de Pharaon, véritable incarnation terrestre du dieu créateur, l'Egypte entrait dans une phase de chaos dont le célèbre historien grec Manéthon se fit ultérieurement l'écho, assumant que quelques soixante-dix rois de Memphis se seraient succédés alors à la tête du royaume, en moins de soixante-dix jours. En réalité, seuls six souverains mentionnés au sein de la liste royale du temple de Séthi I à Abydos et du Papyrus de Turin auraient formé la VIIème dynastie. La durée totale de leurs règnes, certes brève, aurait toutefois excédé les soixante-dix jours dont parle Manéthon pour avoisiner les quelques années.
Les rois de la VIIIème dynastie, qui se considéraient comme les héritiers légitimes de ceux des VIème et VIIème dynasties, furent au nombre de trois ou cinq selon le Papyrus de Turin et diverses sources manéthoniennes ; au nombre de vingt-cinq en revanche à en croire la liste royale d'Abydos. Ils régnèrent depuis la capitale Memphis une trentaine d'années environ. Parmi eux figurent Qakarê Aba, qui choisit d'implanter sa pyramide - l'ultime pyramide à textes - à Saqqarah Sud, soit à relative proximité du complexe funéraire de Pépi II, l'un des tous derniers souverains de la VIème dynastie.
La mort du dernier pharaon de la VIIIème dynastie sonna le glas de l'Egypte unifiée (vers 2160 avant notre ère). A cette époque en effet, la zone du delta était sous le joug des Bédouins - littéralement, les "habitants des sables" - et des Asiatiques, tandis que la Moyenne Egypte faisait sécession autour des princes d'Hérakléopolis et que la Haute Egypte se morcelait en royaumes indépendants et hostiles entre eux. L'un des princes hérakléopolitains, peut-être Méribrê Khéti I, fonda la IXème dynastie. Les IXème et Xème dynasties comptèrent tout au plus dix-huit rois d'ascendance hérakléopolitaine, dont le royaume s'étendit, au mieux, du sud du Fayoum au sud d'Assiout. Le nome de Thinis, sorte de zone de démarcation entre royaume hérakléopolitain de la Xème dynastie au nord, et royaume thébain de la XIème dynastie au sud, fut régulièrement le siège d'affrontements, comme en témoignent l'Enseignement à Mérikarê et l'Inscription de Djari. La bataille finale fut remportée par Montouhotep II, monarque thébain de la XIème dynastie et "réunificateur des Deux Terres". S'ensuivront les règnes de Montouhotep III, Montouhotep IV, et sans doute de quelques pharaons nubiens, depuis Thèbes. Puis, la capitale sera transférée en Moyenne Egypte, à el-Licht, par Amenemhat I, le fondateur de cette nouvelle période de stabilité que sera le Moyen Empire.
L'étude de ce contexte historique permet de dater l'horloge stellaire de Ashyt (n°8), épouse du roi Montouhotep II, de la XIème dynastie, et d'en comprendre la provenance : Thèbes. Les horloges numérotées 9 et 10 ont elles aussi été retrouvées en Haute Egypte - sur les sites de Gebelein et Assouan, respectivement ; elles présentent par ailleurs un contenu similaire à celui de l'horloge de Ashyt. Il s'ensuit la datation de l'ensemble des horloges formant le groupe A2 de la dynastie XI.

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