lundi 6 octobre 2008

Les premières horloges stellaires 2

L'étude de la signification des appellations hiéroglyphiques de chacun des décans suggère par ailleurs l'idée de parenté, d'appartenance de certains d'entre eux à une même région du ciel. Ainsi, cette région nommée Xntt est-elle constituée d'un décan au moins, à savoir Tms n Xntt (n°8), entouré de trois autres : tpy-oXntt (n°5a), Xntt Hrt (n°6) et Xntt xrt (n°7). Peut-être le terme Xntt désigne-t-il donc une constellation égyptienne, dont les contours géométriques restent encore à définir ? Tel est certainement le cas de Xntw, qui possède une "partie supérieure", Xntw Hrw (n°21a), et une "partie inférieure", Xntw xrw (n°21b) ; de srt (n°15), cette brebis dont le smd (n°14), la "croupe" (n°17) et les "enfants" (n°16) faisaient également l'objet d'observations ; de knmt (n°32), dont il existe un "prédecesseur" (n°31a), des "enfants" (n°33), la "croupe" (n°34) ; etc.
Certaines des constellations du ciel d'Egypte semblent revêtir une forme animale. Nombre d'entre elles à vrai dire, à l'exception de s#H - Orion toutefois, figurée sous les traits d'un homme en marche dont chacun des membres (ou presque) porte l'appellation hiéroglyphique d'un décan : rmn Hry (n°26), rmn xry (n°27), obwt (n°28) et xrt wort (n°29), pour ne citer que ces étoiles - ou groupes d'étoiles - mentionné(e)s au sein des horloges stellaires numérotées 1 à 12 .Car d'autres, aux dénominations plus ou moins proches, apparaîtront progressivement. Telles ces étoiles nommées rmn Hry s#H (n°26a), Ts ork (n°26b), rmn xry s#H (n°27a) et rmn s#H (n°27b), mentionnées pour certaines au sein de l'horloge de Djaouaou (n°14) et de la liste de Senmout.
Loin de brouiller cette antique carte du ciel méridional que l'étude des premiers diagrammes stellaires permet de dresser, l'apparition tardive des décans indexés a ou b la détaille, en réalité. Elle confirme l'appartenance de tel décan à telle constellation, dont la forme nous est parfois même révélée. Ainsi le contenu exclusivement hiéroglyphique de l'horloge stellaire de Shemes (n°19), qui vraisemblablement constitue le prototype de certaines listes ornant les édifices du Nouvel Empire, à commencer par celle de Senmout, trouve-t-il une expression imagée au plafond de la chambre sépulcrale de la tombe de Senmout (Deir el-Bahari, dynastie XVIII). Sur ce plafond astronomique, le décan numéroté 11 figure bien en effet, ainsi que son appellation hiéroglyphique le suggère, "au milieu de la barque sacrée". Les noms des décans numérotés 15, 16 et 17, tous relatifs à la brebis, furent quant à eux logiquement portés au-dessus de cet animal présentant l'aspect d'une brebis. A proximité des X#w (n°23), littéralement "les milliers", fut, de plus, dessiné un amas d'étoiles, cet ovale censé en contenir des milliers justement. Au-dessus de cet "homme en marche" tenant le signe de vie onX d'une main, le sceptre w#s de l'autre, furent à juste titre portées les appellations des étoiles définissant les contours de la constellation de s#H - Orion. Le nom de spd - Sirius, enfin, figure à proximité directe de celui d'Isis, déesse qu'elle incarne.
Tous ces indices suggèrent un étroit lien de parenté entre les horloges stellaires appartenant au groupe knmt (groupe D), d'une part, certains plafonds astronomiques du Nouvel Empire, d'autre part.
Parce qu'elles présentent des arrangements stellaires identiques les uns aux autres, parce qu'elles furent découvertes en un même lieu également - la nécropole d'Assiout -, il est possible de regrouper les horloges stellaires n°1, 2, 3, 5 et 7. A ce groupe, l'on peut adjoindre l'horloge n°4, qui ne diffère des précédentes que par la seule omission du décan numéroté 15, ainsi que l'horloge n°6, dont ne subsiste malheureusement que 10% du fragment initial. Un tel regroupement se trouve confirmé par l'étude de la bande d'inscriptions verticales. Quatre divinités célestes y furent effectivement listées dans le même ordre : Nwt, la déesse qui supporte le ciel de ses propres mains, est suivie de cette patte de bovidé généralement ornée de sept étoiles que les anciens Egyptiens nommaient msXtyw. Puis vient s#H - Orion, cet homme en marche tenant le sceptre w#s d'une main, le signe de vie onX, de l'autre. Les mêmes insignes furent dessinées entre les mains de spd - Sirius, cette étoile qui, dans le ciel, suit s#H - Orion, tout comme Isis suit son époux, Osiris. Le contenu de la bande d'inscriptions horizontales séparant les sixième et septième heures de nuit ne diffère par ailleurs que très peu d'une horloge à l'autre. Ces textes nous content les offrandes faites par le défunt (N) aux divinités présentes, non seulement au sein de la bande d'inscriptions verticales qui sépare les colonnes numérotées 18 et 19 - à savoir Nwt, MsXtyw, s#H, spd -, mais également au sein de la grille décanale. Car les décans étaient divinisés en effet, ou plutôt, associés à des divinités du panthéon égyptien, ainsi que l'étude ultérieure des plafonds astronomiques du Nouvel Empire l'attestera.
Ces inscriptions hiéroglyphiques subirent en réalité quelques modifications avec le temps. Ainsi les formules d'offrandes furent-elles destinées à un nombre toujours croissant de divinités dont l'ordre d'apparition, au sein des bandes d'inscriptions verticale et horizontale, diffère quelque peu, d'une horloge à l'autre. Cette évolution vint se superposer à celle déjà constatée dans l'arrangement des étoiles décanales au sein de la grille centrale, de sorte qu'aucune des horloges stellaires élaborées entre la Première Période Intermédiaire et le Moyen Empire, n'apparaît parfaitement identique à une autre. Sur la base de certains critères toutefois, nous avons vu qu'il était tout à fait possible de rassembler les horloges n°1 à 11 au sein du groupe A, l'horloge n°12 au sein du groupe B, les horloges n°13 et 20 au sein du groupe C ; enfin, les horloges n°14 à 19 au sein du groupe D.
La prise en compte de leur provenance géographique, de leurs arrangements stellaires, de l'ordre des divinités célestes mentionnées au sein de la bande d'inscriptions verticales, permet de distinguer les horloges n°1 à 7 des horloges n°8 à 10 figurant au sein du groupe A. En d'autres termes, de regrouper les horloges numérotées 1 à 7 au sein du sous-groupe A1. De sorte que les horloges attribuées à Ashyt (n°8), Iker (n°9) et Hekat (n°10), semblables de part leur provenance - Thèbes, Gebelein et Assouan, toutes trois villes de Haute Egypte -, leurs arrangements stellaires et l'ordre des divinités célestes mentionnées au sein de la bande d'inscriptions verticales - spd, s#H, MsXtyw, Nwt -, constituent un autre sous-groupe, noté A2. A ce sous-groupe peut sans doute être ajoutée l'horloge n°11, très fragmentaire, mais dont les divinités apparaissent listées dans le même ordre au sein de la bande d'inscriptions verticales (72). L'étude du contexte historique qui s'ensuit permettra d'affirmer que les horloges du groupe A2 (n°8 à 11) sont en réalité contemporaines de celles constituant le groupe A1 (n°1 à 7).
La parenté des horloges n°14 à 19 avec le plafond astronomique de la tombe de Senmout (Deir el-Bahari, dynastie XVIII), suggère, nous l'avons vu, leur conception tardive. Ces horloges furent toutes retrouvées en un même lieu, la nécropole d'Assiout. Pour autant, elles semblent se répartir en trois sous-groupes : le sous-groupe D1, constitué de la seule horloge n°14, unique de part son arrangement stellaire ; le sous-groupe D2, constitué des horloges n°15, 16 et 17, qui toutes mentionnent le décan 4a (Sspt), au contraire de l'horloge de Shemes (n°19) et de la liste de Senmout, et font figurer les divinités célestes dans le même ordre : Nwt, MsXtyw, s#H, spd ; le sous-groupe D3 enfin, constitué de la seule horloge de Shemes (n°19), dont l'arrangement stellaire est extrêmement voisin de celui du plafond de la tombe de Senmout. L'incomplétude de l'horloge n°18 nous empêche d'affirmer son appartenance au sous-groupe D2 ou D3. L'étude du contexte historique qui s'ensuit permettra d'affirmer la simultanéité de conception des horloges issues des sous-groupes D1, D2 et D3.

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