jeudi 9 octobre 2008

Le zodiaque de Dendérah 1


Le zodiaque de Dendérah tel qu'il apparut, haut en couleurs,à Dominique Vivant Denon.

Le temple d'Hathor à Dendérah fait partie de ces merveilles architecturales que l'Expédition d'Egypte, conduite par le général Bonaparte, révéla au monde occidental. Et ce, grâce notamment aux magnifiques plans, croquis et dessins, qu'en réalisèrent Jollois et Villers du Terrage pour la Description de l'Egypte, Dominique Vivant Denon pour son non moins célèbre Voyage dans la Basse et la Haute Egypte pendant les campagnes du général Bonaparte. Ce dernier évoque ainsi le temple de Tintyra, que l'on nomme aujourd'hui Dendérah : "Je n'aurai point d'expression pour rendre tout ce que j'éprouvai lorsque je fus sous le portique de Tintyra ; je crus être, j'étais réellement, dans le sanctuaire des arts et des sciences ! Que d'époques se présentèrent à mon imagination à la vue d'un tel édifice ! Que de siècles il a fallu pour amener une nation créatrice à de pareils résultats, à ce degré de perfection et de sublimité dans les arts. [...] Jamais d'une manière plus rapprochée le travail des hommes ne me les avait présentés si anciens et si grands ; dans les ruines de Tintyra les Egyptiens me parurent des géants."
Et plus loin, d'ajouter : "J'aurais voulu tout dessiner et je n'osais mettre la main à l'oeuvre ; je sentais que ne pouvant m'élever à la hauteur de ce que j'admirais, j'allais rapetisser ce que je voulais imiter ; nulle part je n'avais été environné de tant d'objets propres à exalter mon imagination... Le crayon à la main, je passai d'objet en objet, distrait de l'un par l'intérêt de l'autre, toujours attiré, toujours arraché, il me manquait des yeux, des mains et une tête assez vaste pour voir, dessiner et mettre en ordre tout ce dont j'étais frappé. J'avais honte des dessins insuffisants que je faisais de choses si sublimes mais je voulais des souvenirs [...] je craignais que Tintyra m'échappât pour toujours." En guise de souvenir, Dominique Vivant Denon nous légua une magnifique reproduction du zodiaque ornant le plafond d'une chapelle osirienne érigée sur la terrasse du temple d'Hathor - cette carte du ciel de modestes dimensions (2,55m * 2,58m) qui, lors de sa découverte par le général Desaix en 1799, suscita d'intenses polémiques. Des polémiques relatives à la chronologie de l'humanité, en l'occurrence. Des polémiques que son rachat par la France de Louis XVIII, suivi de son arrivée à Paris en 1822, ne firent que raviver.
Le zodiaque date de quinze mille ans avant notre ère, clamaient certains ! De douze mille ans avant notre ère, clamaient d'autres ! Et ce, au plus grand mépris de la tradition biblique qui fixait la création du monde à quelques quatre mille ans avant notre ère. Ce qui, naturellement, occasionna la colère des autorités ecclésiastiques de l'époque. Fort heureusement, le travail de déchiffrement hiéroglyphique entamé quelques années plus tôt par Jean-François Champollion touchait à son apogée. Bientôt, il serait capable de lire le terme Autocrator sur le zodiaque, de formellement le dater de l'époque romaine donc, balayant ainsi chacune des hypothèses plus ou moins fantaisistes avancées jusqu'ici. Notre connaissance toujours plus approfondie de l'écriture et de l'histoire égyptiennes, alliée à l'étude astronomique de son contenu, allait bientôt permettre de le dater plus précisément encore ...

Plusieurs campagnes de fouilles réalisées à Dendérah, celle de Fliders Pétrie datant de la fin du XIXème siècle notamment, révélèrent l'existence de diverses sépultures, datées pour certaines de l'époque archaïque. La relative proximité des sites prédynastiques de Nagada et Maghara milite elle aussi en faveur de la haute antiquité de ce lieu, de son occupation, dès l'aube de l'histoire égyptienne. Une occupation qui semble bien n'avoir jamais failli, tout au long de l'Epoque Dynastique. En témoigne la découverte d'une statuette du roi Pépi Ier (vers 2270 avant notre ère) et d'un sistre, emblème de la ville, inscrit à son nom. En témoigne la réutilisation, à des fins d'acheminement d'eau, d'une colonne portant le nom d'Amenhemat, l'un des souverains du Moyen Empire. En témoigne ce texte hiéroglyphique stipulant l'intervention à Dendérah de ce grand bâtisseur du Nouvel Empire qu'était le pharaon Touthmosis III (vers 1450 avant J.C.). En témoignent ces blocs de pierre de facture ramesside visibles dans les soubassements, ...
De nombreux autres indices architecturaux laissent à penser que l'édification du temple de la naissance d'Isis, sous le règne d'Auguste (30 avant notre ère - 14 de notre ère), s'opéra sur les fondations même d'un sanctuaire entrepris, à l'époque ptolémaïque, par Nectanébo Ier (381-364 avant notre ère), et achevé par Ptolémée X Alexandre Ier (107-88 avant notre ère) - sanctuaire dont l'axe principal présente une orientation est-ouest. L'édifice augustéen, d'époque romaine donc, révèle quant à lui une orientation nord-sud, strictement identique à celle du grand temple d'Hathor, et, fait étrange, non perpendiculaire à l'axe est-ouest primordial. L'angle formé entre l'ancien mur de Nectanébo Ier et la paroi orientale de l'actuel temple d'Isis est voisin de 2°30' en effet.

Orientation astronomique de la partie romaine du temple d'Isis


Parce que leur magnitude visuelle est nettement inférieure à celle des autres étoiles figurant au sein du tableau ci-dessus, la probabilité que l'observation du lever de Sirius ou Rigel dans le ciel nocturne ou crépusculaire ait conduit à l'orientation du temple d'Hathor et de la partie augustéenne du temple d'Isis est très grande. Divers textes stipulent par ailleurs la fondation du temple d'Hathor à Dendérah le 16 juillet de l'an 54 avant notre ère. L'utilisation du logiciel de détermination des dates de coucher et de lever héliaques de toute étoile visible à l'oeil nu révèle la survenue du lever héliaque de l'étoile Sirius à Dendérah, en ce jour précis de l'année - celui de Rigel intervenant bien plus tôt, aux alentours du 24 juin. Ainsi, l'hypothèse selon laquelle le lever de l'étoile Sirius aurait été utilisé à des fins orientationnelles semble parfaitement crédible.
Une énigme demeure, toutefois : sachant que la date de fondation du temple d'Hathor à Dendérah coïncide exactement avec la date de lever héliaque de l'étoile Sirius, pourquoi son azimut de lever (289,36°) reflète-t-il davantage l'orientation du temple d'Hathor (288,65°) que son azimut de lever héliaque (290,51°) ?

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